Finance, Economie, Homme : Qui est au service de qui ?
Ca y est, c’est annoncé noir sur blanc : « La Tunisie est le laboratoire de la Mondialisation pour la zone MENA »
« Avec sa révolution non-violente, le peuple tunisien a lancé un profond mouvement démocratique dans le monde arabe qui pourrait bien remodeler complètement l'avenir de la zone MENA, mais aussi ceux de la zone méditerranéenne et de l'Union européenne. La dynamique actuelle apparaîtra à l'avenir au moins aussi importante que la chute du mur de Berlin. Il est essentiel que les pays membres du G8 saisissent toute l’importance de cet événement et fassent le nécessaire pour que la Tunisie puisse être et demeurer l’exemple et la en matière de changement social, économique et démocratique pour l’ensemble de la région et au delà »
Voici les vrais enjeux de la révolution tunisienne !
Il n’est pas question de laisser le peuple tunisien souverain décider des orientations économiques, sociales et culturelles de leur pays.
Les prêts sont conditionnels à l’implantation d’un plan de modélisation de notre pays, plan compatible avec l’économie de marché débridée du modèle néo-libéral.
Or chaque jour qui passe nous prouve que ce modèle est largement compromis avec les exemples en « live » de la Grèce[2] (prêts sur 2 ans à 27% !!!, endettée pour des dizaines d’années !!!), des USA (15 000 Milliards de $ de dettes) obligés de faire des coupes budgétaires sur les services publics[3].
A ce propos, le Président Obama lui-même a annoncé que si le plafond de la dette n’était pas relevé, le système financier mondial s’écroulerait, rien que ça !
Ce que nous propose le G8 aujourd’hui, sous les conseils et la bienveillance des « spécialistes » comme Jacques Attali, Joseph Stiglitz, ou encore Mouhoub el Mouhoud[4], est de rentrer de plein pied dans la globalisation en développant un cadre institutionnel pour la concurrence dans l’industrie et les services, de faire accéder la Tunisie au rang de partenaire avancé avec l’Europe pour « bénéficier » des fonds européen structurels,
De capitaliser les banques, ect…
Ce que l’on ne dit pas par contre, ce sont les contreparties exigées ainsi que les incidences de ce modèle dans les 10 prochaines années.
1ère des contreparties : Pour que la Tunisie ait le statut de « partenaire avancé » avec l’Europe, elle se doit de signer un grand nombre d’accords bilatéraux et donc ainsi renoncer à des politiques qui renforceraient son indépendance.
Si nous prenons l’exemple du Maroc, qui a obtenu ce statut en 2008-2009, il est dit que :
« cela représente concrètement, notamment dans les domaines politiques, économiques socialoculturels »
« La coopération en matière politique et de sécurité, la préparation d’un accord de libre-échange global et approfondi, l’integration progressive du Maroc dans plusieurs politiques sectorielles de l’Union et le développement des échanges entre les peuples ».
« Ce nouveau statut renforcé entraînera une intégration progressive du Maroc dans le marché intérieur de l’Union Européen, et des sommets entre le Maroc et les 27 seront organisés »
« les financiers européens devraient croître vers le Maroc, déjà premier bénéficiaire de fons européens de la politique de voisinage »[5]
En dehors de la politique déjà normative et contraignante des accords signés avec l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), rajouter à cela un accord pour un « partenariat avancé » avec l’Europe sans contreparties/protections réduira drastiquement nos degrés de liberté.
Nous avons vu en effet au regard de la problématique de gouvernance de l’Europe, qu’une construction basée sur le libre échange sans consolidation d’une politique sociale et sans harmonisation des écarts entre les niveaux de vie des Nations a conduit systématiquement à la prédation, au dumping salarial et à des tensions intra-populaires.
Le plus horrible des exemples concerne l’immobilier.
Au Maroc, un Ryad dans une médina qui coutait 50 000 euros il y a 5 ans coute aujourd’hui 500 000 euros[6].
Doit-on rappeler ici que l’artisan principal de la professionnalisation de ce marché immobilier marocain[7] n’est autre que Jalloul Ayed[8], Ministre actuel de Finances du gouvernement de transition tunisien ?[9]
Doit-on rappeler également qu’en ce moment même, les terres domaniales tunisiennes sont en train d’être données/attribuées à des spéculateurs sans l’accord et la consultation du Peuple Souverain Tunisien ?
Cette spéculation immobilière couplée à une loi de l’offre et la demande internationale a exclu les couches populaires et moyennes marocaines d’accéder à ce marché, laissant le champ libre au étrangers ayant un pouvoir d’achat 10 fois supérieur aux Nationaux.
Or le minimum de dignité est que les citoyens aient un toit sous leur tête et que la charge du logement soit dans un pourcentage raisonnable des revenus du « foyer ».
Il ne s’agit pas non plus de vivre en autarcie et de s’exclure de la Mondialisation, cela n’a pas de sens.
Mais il ne s’agit pas non plus de laisser les vannes de notre économie ouverte aux prédateurs et aux spéculateurs au détriment des intérêts souverain de notre peuple.
50 ans de régime socialo-néo-libéral, axé sur une économie de sous-traitance sans valeur ajoutée, complètement dépendante des donneurs d’ordres extérieurs, quels qu’ils soient, ont prouvé que cette voie est sans issue.
Nous, Tunisiens, nous voulons nous placer aujourd’hui sur la scène internationale comme des partenaires et des acteurs, tout en gardant nos valeurs d’ouverture, de tolérance et de douceur de vivre venant de notre géographie, de notre identité arabe et musulmane.
Notre pays aujourd’hui est en révolution et il a besoin de temps pour se reconstruire.
Y a-t-il aujourd’hui une urgence à la mondialisation ?
Lorsque nous voyons les catastrophes naturelles qui ont touché le Monde, comme au Japon, en Louisiane ou en Espagne, nous voyons bien qu’une dépendance majoritaire à l’extérieur nous empêchera de nous relever ou de nous reconstruire.
Toutes les entreprises (ou les Etats) qui ont une dépendance extérieure > 30% et qui n’ont pas assez de fonds propres (ou bien réserves monétaires) peuvent basculer vers la faillite/protectorat en cas de crise des donneurs d’ordres extérieurs.
Je ne parle même pas ici des pays dont la dette dépasse les 100% de PIB comme la Grèce, le Japon ou bien les Etats-Unis, obligés de vendre des biens/secteurs nationaux pour faire face aux échéances de remboursement des financiers.
Comme cité précédemment, la Tunisie est un laboratoire.
Nous avons aujourd’hui les compétences et la volonté d’inventer un modèle ou l’économie serait au service de l’homme.
Nous pouvons choisir entre deux modèles:
- Finance au service de l’Economie au service de l’Homme
- Homme au service de l’Economie au service de la Finance
Avant donc de demander des crédits aux pays qui, sois-dit en passant, détiennent les avoirs volés au Peuple Tunisien par les anciens mafieux du pouvoir, nous souhaitons et exigeons plusieurs choses :
- Que l’on débloque et que l’on transfère tout cet argent dans les caisses de l’Etat Tunisien
- Que l’on bloque immédiatement les intérêts de la dette tunisienne
- Que l’on accepte un audit sur la dette qui la partagerait en deux :
- dette odieuse contractée par les mafieux/oligarques n’ayant servi qu’à des intérêts personnels --> NON REMBOURSABLE[10]
- dette normale contractée pour des projets servant le peuple Tunisien --> REMBOURSABLE
Ce préalable étant établi, nous serions prêts à dialoguer avec nos partenaires et pays amis sur les modalités d’une coopération basée sur nos bénéfices mutuels.
Nous invitons également nos partenaires étrangers à agir avec la plus grande prudence quand à la signature de contrats avec le gouvernement transitoire[11], dont la légitimité n’autorise aucune garantie à leur concrétisation.
En effet, il est exclu que le futur gouvernement provisoire ou définitif, celui qui sera élu démocratiquement par le peuple, avalise des contrats/accords qui ne serviraient pas les intérêts supérieurs de la Nation Tunisienne.
En ce sens, les seules garanties valables qui tiendront lieu d’engagement ne pourront venir que du gouvernement définitif, gouvernement qui n’hésitera pas une seconde à rendre caduques toutes décisions et/ou accords passés ne défendant pas les intérêts supérieurs de la Nation, intérêts bien entendu n’excluant pas la mutualité d’échanges fructueux avec nos partenaires.
Mohamed BALGHOUTHI
Responsable de la cellule économie de l’association Afeq (sans aucun liens avec le parti AFEK)
Le 19 Mai 2011
[4] http://seminaire.samizdat.net/Decomposition-internationale-des.html
[5] http://maghrebinfo.actu-monde.com/archives/article1112.html
[6] http://www.bladi.net/la-speculation-immobiliere-s-emballe-tout-le-monde-s-y-met.html
[7] http://www.adept.org.tn/?p=90
[10] http://www.detteodieuse.org/la-dette-odieuse-cest-quoi.php#detteodieuse
[11] http://dettetunisie.over-blog.com/article-du-role-d-un-gouvernement-de-transition-71912635.html